Andorre : la réforme fiscale nécessaire pour la reprise postpandémie

Andorre : la réforme fiscale nécessaire pour la reprise postpandémie

Les politiques publiques menées par le gouvernement pendant la crise sanitaire ont apporté un soutien d’urgence important aux personnes et aux entreprises pendant la pandémie, par une augmentation des aides directes et des réductions d’impôts pour protéger le tissu productif de l’impact économique et social du au COVID-19. Il est évident que l’ensemble d’aides publiques était principalement destiné à accroître les investissements publics dans les soins de santé afin de contrôler la pandémie et de garantir la santé publique, tout en protégeant la population la plus vulnérable.

Or, toutes les mesures sanitaires et sociales qui ont été conçues pour lutter contre les effets du covid-19, ont représenté la plus grande dépense sociale de l’histoire. En effet, les conséquences économiques de la pandémie ont contribué à accroître considérablement le déficit budgétaire, le plaçant à des niveaux records et ralentissant le taux de croissance économique. Avec des niveaux d’endettement démesurés, le gouvernement a été contraint d’équilibrer les comptes afin de s’engager sur la voie de la reprise économique avec des garanties.

L’une des mesures qui a été évaluée a été la mise en œuvre d’une réforme fiscale qui améliore les recettes fiscales et contribue à rétablir les niveaux d’avant la pandémie en raison de la baisse des recettes subie tout au long de la crise sanitaire. Plus précisément, le projet de réforme fiscale proposé par le gouvernement, qui devrait entrer en vigueur en 2023, est principalement axé sur la fiscalité des entreprises et comprend des mesures visant à promouvoir l’égalité et la cohésion sociale, notamment par la mise en œuvre d’incitations fiscales pour encourager l’embauche de la population vulnérable.

De même, le gouvernement, afin d’activer la numérisation et la modernisation de l’écosystème d’affaires andorran, a introduit ce que l’on pourrait qualifier de « bonus numérique » qui se traduit par l’application de déductions pour les entreprises qui promeuvent leurs processus internes de numérisation. La limitation de la déduction actuellement connue sous le nom de «déduction pour nouveaux investissement » contribuera certainement à accélérer le changement de paradigme basé sur le commerce électronique (sans que la réforme fiscale pénalise ce secteur)et permettra d’impulser les projets de transformation numérique dans le commerce andorran.

Une autre déduction qui sera introduite et qui représente une véritable nouveauté, sera celle des donations relatives au mécénat social, culturel et sportif pour encourager ainsi le parrainage des entités de la Principauté qui développent ce type d’activités, comme le font le reste des pays de l’environnement qui prévoient également ce type d’incitation fiscale.

Par ailleurs, le gouvernement a profité de la réforme fiscale pour mettre en place une autre mesure pour tenter de favoriser le parc locatif. Plus précisément, une autre réduction de l’assiette fiscale est introduite pour ceux qui perçoivent des revenus de loyers destinés à leur résidence habituelle et dont les revenus sont inférieurs à 900 euros par mois. Cependant, sur le plan pratique, cette mesure n’a presque aucune chance d’avancer puisque des augmentations très limitées des loyers (de moins de 20€ par mois par le bailleur) continueront à lui apporter un rendement plus élevé que le recours à cette incitation. Sa mise en œuvre sera donc vraisemblablement dérisoire et n’aura pratiquement aucun effet sur le ralentissement de la hausse des prix locatifs.

Une autre modification prévue par la réforme est la suppression de l’impôt sur les plus-values, fait imposable dont il sera entièrement intégré dans les impôts directs : Impôts sur les personnes physiques (IRPF), Impôt sur les sociétés (IS) ou Impôt sur le revenu pour les non-résidents (IRNR,) selon le cas. Ainsi, il convient d’éviter les doubles emplois techniques consistant à payer d’abord un impôt consacré uniquement pour l’imposition des gains patrimoniaux, puis à appliquer les déductions pour éviter la double imposition interne, directement imposable une seule fois sur la taxe directe qui en résulte.

Cependant, la mesure phare de la réforme fiscale est la fixation d’un taux effectif minimum d’impôt sur les sociétés de 3% pour les entreprises bénéficiaires, afin d’éviter qu’après l’application de déductions et d’autres incitations fiscales, ne finissent pas par payer quoi que ce soit de l’impôt sur les Sociétés, clôturant même l’année avec des bénéfices. Ainsi, L’Andorre avec un taux nominal de 10% sur l’Impôt sur les Sociétés, pouvant arriver après l’application des compensations et déductions à l’assiette fiscale, jusqu’à un taux effectif de 0%, modifiera son mécanisme interne pour calculer le taux d’imposition minimal, en assurant toujours un prélèvement de 3% sur les bénéfices, indépendamment des incitations applicables.

La mesure vise donc à garantir une contribution fiscale juste et équitable, tout en s’alignant sur les dernières lignes directrices de l’OCDE qui soutiennent l’existence d’un taux effectif minimum d’imposition des sociétés qui empêche l’érosion des bases d’imposition et le transfert de bénéfices entre les pays. Ainsi, le gouvernement a voulu avancer dans l’homologation du cadre fiscal andorran avec l’environnement européen, tout en préservant les régimes fiscaux spéciaux prévus dans notre système fiscal.

Dans la pratique, il s’agit d’une réforme fiscale qui préserve les taux d’imposition nominaux et qui n’a d’incidence que sur la fiscalité des entreprises en modifiant certaines déductions et en en introduisant de nouvelles pour les adapter à la nouvelle réalité économique du pays.

Nous devons considérer que, bien que la mesure soit judicieuse pour préserver la compétitivité fiscale de l’économie andorrane, en tant qu’élément fondamental pour continuer à attirer les investissements étrangers, nous ne pouvons que qualifier son slogan (taux effectifs de 3%) d’irréalisable.

En réalité, les taux d’imposition effectifs des sociétés à but lucratif soient au minimum de 3% et impliquerait la modification du régime de la Patent Box pour l’exploitation d’actifs incorporels de l’article 23 de la loi sur l’impôt sur les sociétés, ainsi que l’exonération des dividendes visés à l’article 38 de la même loi pour le régime Holding. De plus, nous ne pouvons pas oublier que les entreprises qui obtiennent des revenus à l’étranger peuvent appliquer des déductions pour éviter la double imposition internationale et que, de même, le montant de l’impôt dans la Principauté d’Andorre peut être égal à 0. Un cas similaire peut être donné entre les administrations du même territoire, dans lequel certaines entreprises qui obtiennent des revenus imposables dans les chiffres de l’impôt communal peuvent appliquer des déductions pour éviter la double imposition interne et que, par conséquent, le montant de l’impôt dans l’administration centrale de la Principauté d’Andorre peut également devenir inexistant.

Cependant, le point positif pour l’investissement étranger est qu’avec la réforme fiscale projetée, nous resterons à la tête des pays européens où la pression fiscale est la plus faible à tous les niveaux.

Le projet de réforme vise donc à introduire des mesures fiscales ayant un impact positif sur la croissance économique sans compromettre la viabilité des finances publiques. En définitive, nous nous rapprochons d’un système fiscal beaucoup plus moderne, avec de meilleurs mécanismes de recouvrement, et en même temps, sans perdre de compétitivité fiscale, et que nous devons continuer à conserver car c’est l’une de nos meilleures cartes de présentation vers l’extérieur. Qui sait si la prochaine réforme fiscale passera par une légère correction à la hausse des taux marginaux de l’Impôt Général Indirect comme l’ont déjà recommandé des cabinets juridiques de renom à l’exécutif de la principauté?

La Direction

Augé Legal & Fiscal

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